Liu Yue 刘月 (né en 1981 à Shanghai, Chine) s’est tout d’abord initié à la peinture, pour se consacrer essentiellement à la photographie une fois son diplôme en poche. Ses œuvres peuvent paraître simples en apparence, mais à y regarder de plus près on remarque qu’elles possèdent une profondeur étonnante, arrivant à métamorphoser et questionner l’essence d’objets du quotidien. Bien que ses séries soient variées, une grande partie témoignent de ses réflexions et de son attention particulière aux notions d’espace, de temps, aux formes et propriétés structurales des objets. Liu Yue manie intuition et réflexion, il aime montrer la banalité afin d’en dévoiler le côté magique et de remettre en question notre propre perception des choses. Ce jeune talent a déjà attiré l’attention de quelques institutions culturelles internationale, notamment Paris Photoquai en 2011 organisé par le Musée du Quai Branly.
Après avoir vu son exposition solo à la OFOTO Gallery {ECHO, organisée entre mai et juillet 2012} ainsi que sa collaboration avec Wang Yanling à l’AM Art Space {exposition intitulée Anthem, Xiao Ming & Xiao Hong, organisée entre mai et juin 2012}, j’ai tout de suite été fascinée par son travail. Je me suis donc empressée d’organiser une entrevue. Ce fut chose faite le 3 juillet 2012, nous nous donnons alors rendez-vous dans la petite arrière salle de la OFOTO Gallery à Shanghai. Tout en dégustant un thé, je lui demande de plus amples informations sur ses motivations et ses réflexions.
Vous souvenez-vous de votre première expérience avec la photographie ? Qu’est-ce ce qui vous a motivé ?
Dans le passé, quand les appareils photo n’existaient pas, les gens utilisaient d’autres moyens pour laisser libre court à leur sensibilité artistique. Il y avait par exemple la peinture et la sculpture entre autre. Aujourd’hui les gens n’ont que l’embarras du choix grâce au développement et au progrès réalisés de manière générale. La photographie, même avec ses cent ans d’existence, représente un nouveau médium dont l’aspect est radicalement différent de ce que l’on a pu connaître auparavant. La photographie s’ancre dans la contemporanéité, elle s’oppose aux notions habituelles de déterminisme ou de vitesse, vous pouvez obtenir à peu près ce que vous voyez même si c’est parfois difficile. Je dirais que c’est un médium rempli de contradictions et de fourberies, qui peut à la fois dissimuler et mettre à jour.
J’ai véritablement commencé à créer des photographies artistiques après l’université, mais jusqu’à maintenant je ne me suis jamais considéré seulement comme un photographe puisque la photographie n’est qu’un composant de mon processus créatif. Cependant, il arrive qu’inconsciemment la photographie apparaisse comme l’unique moyen de m’exprimer, cela se fait plutôt de manière passive, c’est ma passivité qui au final me fait choisir ce médium.
Quelles sont les étapes lorsque vous créez une photographie ?
Je vais expliquer cela à travers un exemple. Avant que de commencer une conversation, on a en tête une vision claire du but à atteindre et des attentes quant au résultat final (sinon il serait impossible d’avoir des questions logiques et rationnelles, ou d’obtenir des réponses claires). Mais dans la pratique on ne sait jamais sur quoi cela va aboutir. Autrement dit, c’est une condition inconnue inscrite dans le temps, une manière subjective d’énoncer un paradoxe prédéterminé. Dans le processus de la conversation, il nous est impossible de savoir quelles seront les conséquences, pourtant il semble qu’avant d’obtenir le résultat réel de notre face à face on essaie toujours de le prévoir. Ce procédé qui nous fait avancer dans une direction inconnue va au delà d’un jugement prédéterminé. Cette quête de la connaissance et de l’inconnaissable, cette sorte de chaos contradictoire, m’intéresse particulièrement.
Quand je créé quelque chose, même si cela provient d’un désir subjectif, je ne peux absolument pas prévoir ce que sera le résultat final, j’ai beau tenter de programmer et de contrôler le résultat est souvent trompeur. L’œuvre finale va s’orienter vers une normalité inconnue, plus naturelle et plus précise. Je souhaite explorer ce genre de concept coercitif ainsi que les choses d’apparences naturelles. Je n’ai pas de plan fixé clairement qui pourrait me donner une ligne directrice stable et suffisante, mon processus créatif consiste simplement à exprimer de manière formelle les difficultés ou les problèmes auxquels je fais face. Peut-être que je créerai cette œuvre de telle manière et une autre d’une autre manière, cela dépend. Je n’ai pas envie que mes travaux reposent sur des méthodes vraiment certaines ou fiables, même si le résultat final engendre une atmosphère opposée au calme et à l’harmonie.
Je trouve mes lignes directrices à travers les objets du commun. Je tente de dévoiler leur essence, elle-même conditionnée par un temps donné. Dans de telles conditions prédéfinies, je m’efforce de ressentir ces choses importantes et pourtant si insignifiantes. Regarder sans détour un objet permet aussi de révéler à l’audience d’autres choses d’apparence banale. Cette banalité au fur et à mesure va être accentuée et l’information élargie, elle devient alors pas si ordinaire que ça. Peut-être qu’il s’agit simplement de l’apparence réelle des choses dans leur condition naturelle.
Dans votre série Echo, explorez-vous les diverses définitions du mot ou est-ce plutôt une exploration de notre propre perception des choses? Que vouliez-vous exprimer à travers cette série ?
Je souhaitais sans doute exprimer quelque chose d’abstrait allant au-delà des expériences sensorielles. Je considère « écho » au sens littéral du terme, possédant une définition très claire, et qui nous fait penser à des choses d’apparence banales que l’on peut voir en temps normal. Mais au fond quelles sensations nous donne le mot « écho » ? Qu’est-ce que ce mot signifie en soit ? Nous n’en savons rien en réalité. Nous le comprenons comme un phénomène, par exemple lorsqu’un son se répercute d’un objet ou un mur. De ce fait, nous pensons que ce son une fois reflété est la création de celui qui l’a produit, alors qu’en réalité c’est l’espace qui nous entoure qui le crée, et nous n’avons aucune idée de ce qu’il signifie. Il s’agit simplement d’un phénomène qui se présente devant soit et dans un espace, une force à la fois mystérieuse et naturelle, inévitable et inconnue. Donc la préface de l’exposition n’est qu’un rappel de ce que les gens interprètent comme étant un « écho », j’essaie de faire que le spectateur change cette vision unilatérale des choses.
Dans cette exposition, vous remarquerez que tous les objets manifestent un certain vide, voire néant. Ils ne possèdent ni matérialité, ni qualité, ni temporalité. Par exemple, des couvertures faites de satin et de soie apparaissent dans certaines œuvres, d’un point de vue matériel elles semblent belles, douces, et sont supposées ne pas pouvoir supporter le poids d’une chose lourde.
Pourtant, c’est comme si elles se transformaient en une forme n’ayant aucun rapport avec le matériau originel, comme une sorte de chevron imposant, réfutant donc ce que les gens jugeaient comme qualités intrinsèques de l’objet. Les sphères au-dessus manquent cruellement de caractéristique et de valeur, certaines ne sont que la subtile empreinte laissée par la surface d’une sphère préalablement poli, fine et délicate. D’un point de vue général, ces œuvres semblent atemporelles puisque le cadre n’indique aucun élément historique ni de la vie de tous les jours, ce qui crée quelque chose d’indescriptible (dépourvu de signification, d’ordre, et dépassant l’entendement). Ce qui est intéressant, c’est que ces couvertures, ces sphères, ces cadres entre autres viennent tous du monde réel, mais ils ont été abstraits de leurs contextes initiaux pour devenir quelque chose d’apparence contradictoire et vide.
C’est comme si l’on voyait la composition de ces objets avec une lumière magnifique et ancienne, qui nous permet d’aller au delà de ce que nous connaissons et d’admirer leur véritable beauté. C’est comme quand on nous dit qu’on est un homme ou une femme, on va ensuite partir de cette supposée vérité pour tout juger. Une fois qu’on se détache de ces définitions habituelles, on peut alors vraiment se demander qui on est. Peut-être que ces définitions ont une certaine correspondance avec les apparences et phénomènes extérieurs, mais au moins ce détachement aura aidé à voir clairement l’essence de tout un chacun.
Il y a, dans l’apparence de ces œuvres, de nombreuses choses contradictoires et surréalistes. Lorsque l’on regarde attentivement, on se rend compte que le point de contact entre tous ces objets est infime et que ce qui apparaît comme un support plausible est en fait contre- nature. Il semble difficile d’imaginer que ce genre de matériaux puisse apparaître de la sorte. Tous les liens entre ces objets, y compris leur relation avec l’espace, ont été purifiés et retravaillés, ils sont uniques. C’est comme si nous pouvions nous débarrasser des nos préjugés afin de regarder des choses abstraites de la réalité, afin de leur faire face avec une approche plus naturelle, elles n’en sont que plus belles et vibrantes.
Les couvertures qui apparaissent dans votre série Echo ont-elles un rapport avec celles de Mountain Blossom ?
Elles ont des significations très différentes, mais le matériel utilisé présente de nombreuses similitudes. Notamment les couvertures de Echo sont celles que j’avais rassemblées en 2006 pour ma série Mountain Blossom.
Huang Yunhe (directeur de la OFOTO Gallery) pense que votre formation en peinture donne une certaine finesse à vos oeuvres. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que cela dépend peut-être de la sensibilité visuelle et de la manière de penser, c’est lié aussi à ce qui nous émeut intérieurement. Chacun à sa propre opinion des choses, mais cela ne peu en aucun cas décrire complètement ce à quoi nous faisons face. Il est vrai que la composition d’une œuvre reflète une certaine disposition et peut engendrer des réponses émotionnelles chez les gens, mais pour moi ce genre d’apparences univoques dans un œuvre n’est absolument pas ce que je recherche. C’est pourquoi je n’ai pas tellement envie d’explorer les choses du monde extérieur, je n’aime pas non plus trop juger les aspects visuels de mes travaux. Je préfère avoir un questionnement pour ensuite user de ma propre expérience et de mon intuition afin d’explorer ce qui fascine les gens. Cela m’anime et me ravi de manière incomparable. La peinture, en tant que médium traditionnel, est un moyen de création que j’aime beaucoup également, surtout pour sa matière et son système de représentation. Elle peut refléter de nombreuses choses que j’ai en mon fort intérieur. Toutefois le fait d’avoir étudié la peinture ne m’a pas donné plus d’inspiration pour créer.
Ce sont par contre certaines histoires de mon enfance qui ont eu une influence fondamentale sur mes travaux. Par exemple, mes parents m’amenaient souvent au zoo et voir le mouvement lent des cygnes sur le lac artificiel me captivait particulièrement, je les regardais des heures entières. Ou encore, j’adorais aller avec mes parents au marché parce qu’il y avait beaucoup d’animaux, notamment des poulets vivants. Le poulet une fois vendu, il fallait le peser, et le déplumer, dernière étape qui m’a profondément marqué. Il est dur de résister au charme de ces moments de pure beauté. Aussi à chaque fois que mes parents allaient au marché, ils s’empressaient de venir me chercher. Même si ces endroits sentaient mauvais, ils restaient ceux que j’aimais le plus. J’adore les carpes aussi, une fois alors que j’en observais une de près, j’ai remarqué qu’elle pouvait cligner des yeux, je n’ai jamais été aussi surpris de ma vie. Mais mes parents ne me croyaient pas, alors pour leur prouver que c’était vrai j’ai attendu presque une demie journée à les fixer jusqu’à ce que j’en vois une encore cligner des yeux. Ce genre de souvenirs me fait comprendre à quel point je suis patient.
C’est donc peut-être depuis l’enfance que j’aime observer et que je suis facilement touché par des phénomènes impossibles à expliquer. C’est pour cela que j’ai très naturellement transposé ces anciennes habitudes dans mes œuvres aujourd’hui. Je pense que cette manière de ressentir le monde est élégante et noble, il y a comme quelque chose qui relève de la beauté, c’est une sensation très subtile, une manière très naturelle de penser. Toutes ces choses sont peut- être mon véritable visage.
Quelle est la part de référence dans votre travail ? Par exemple, dans votre série Fountain vous faites un clin d’oeil aux paysages traditionnels chinois.
Les réflexions et l’inspiration qu’impliquent les shanshui {littéralement « montagne et eau », mot chinois désignant la peinture traditionnelle de paysage} sont très liées aux notions orientales de dao et de méditation. En effet du moment que vous êtes chinois, même si vous ne comprenez pas la peinture traditionnelle de paysage, elle aura une certaine valeur, cela correspond à un mode de pensée et des caractéristiques culturelles. Mais si je disais que cette série est dans la continuité des shanshui, cela serait me surestimer et déformerait mon intention originelle. D’une, je n’utilise pas le langage de la peinture traditionnelle, de deux j’ai toujours fait apparaître ces notions de shanshui de manière très naturelle. C’est sans doute contradictoire, mais c’est vraiment le cas. Peut-être que cette contradiction a toujours était présente.
Vous avez sans doute remarqué que certaines de mes œuvres possèdent ces éléments tirés des shanshui, mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit entièrement d’un shanshui, notamment parce que beaucoup traitent de l’essence des choses, ce qui va à l’encontre de la tradition puisqu’elle se base sur la création de faux paysages. Par exemple, au début Mountain Blossom cherchait à imiter parfaitement les apparences de la réalité extérieure, donnant au final des formes quelque peu dogmatiques et schématiques. Cette volonté est une parfaite violation des principes de la peinture traditionnelle de paysage.
En apparence mes œuvres sont calmes et harmonieuses et possèdent le même genre de composition qu’une peinture, mais en réalité elles sont construites sur les principes de la peinture classique occidentale. Puisqu’il s’agit d’une photographie, la perspective des objets est naturelle et n’a rien à avoir avec la perspective cavalière des peintures traditionnelles chinoises de paysage. En regardant de plus près, vous remarquerez que de nombreuses choses diffèrent de la tradition. Les couvertures par exemple peuvent faire penser au tumulus de la Chine antique, elles semblent magnifiques, mais le fait d’en avoir toute une série donne l’impression de reproduction mécanique. Ces formes de montagne et d’eau symbolisent au final ce désir contradictoire de faire référence aux apparences des shanshui, tout en contrant cette même tradition. Donc l’art traditionnel chinois m’inspire grandement, mais pas seulement dans son aspect extérieur. Selon moi, shanshui n’est pas simplement un nom, c’est aussi un adjectif, un verbe ainsi qu’un état d’esprit.
Est-ce «minimalisme» serait un terme correct pour qualifier votre approche ?
Le terme minimalisme ne peut pas définir toutes mes œuvres. D’un point de vue historique, ce terme tout d’abord ancré dans le modernisme est passé dans le postmodernisme, sa définition reste très vague et correspond à une période spécifique. A l’époque, il s’agissait d’insister sur la forme et d’aller au delà des choses. Par la suite, tout le monde espérait vivement que le postmodernisme allait proposer certes une continuité mais surtout une conclusion synthétique. Mais en découlèrent de nombreuses définitions et compréhensions biaisées. Par exemple, la plupart des discussions ou idées directrices postmodernistes (par ailleurs toujours utilisées de nos jours) tirent leurs critères directement des écoles modernistes.
Maintenant notre monde actuel est toujours postmoderne, ce qui cause un grand paradoxe puisque nous utilisions des approches modernistes pour juger des phénomènes postmodernistes. Pour regrouper les artistes ayant les mêmes pratiques, il faut passer par des milliers de définitions de divers styles d’art, par exemple l’op art et de l’art moderne occidental ont largement influencé le Mono-ha japonais. C’est très intéressant car cela me donne la fausse impression que tout jusque ici a été basé sur de fausses idées, et penser de la sorte est au final assez postmoderniste. Toutefois, il paraît difficile d’approuver une connaissance lorsqu’elle résulte de fragments mis bout à bout.
Selon moi, ce que contient ou reflète l’apparence d’une œuvre n’est qu’une forme latente d’une expérience personnelle. Peut-être que cela tient de la pensée philosophique orientale, du postmodernisme, ou encore des esthétiques anciennes, il n’empêche que cela ne pourra jamais être défini pas un « -isme ». C’est comme si après la découverte d’une variété de plante avec des feuilles gigantesques, on prenait l’habitude de mettre dans le même moule toutes les autres plantes avec le même type de feuille, alors qu’en fait la deuxième n’a rien à voir avec la première.
Je n’aime évidemment pas ce genre de définition ou de catégorisation non plus, c’est juste que ce genre de mots, comme « minimalisme » ou « abstraction » entre autres, aident parfois les gens à comprendre la démarche d’un artiste.
Oui effectivement, le fait que ça aide les gens est une chose, mais il y a aussi un mauvais côté. Déterminer la nature de l’art est une chose de très complexe, personne n’est capable de donner une définition. On peut juste se satisfaire d’utiliser des définitions pour essayer de toucher du doigt des idées sûres et fiables. Cela serait parfait de déduire et d’analyser à partir du résultat. C’est comme si on pouvait expliquer clairement ce qu’est l’acte créateur, mais en réalité à partir du moment où on essaie d’analyser ce qu’est l’art, ce n’est alors plus de l’art.
Chaque personne est comme une sorte de microcosme. Il y a groupe de constellation et les étoiles qui brillent d’elles-mêmes, il peut y avoir des planètes ressemblant à la Terre ou Mars qui orbitent autour. Elles sont toutes de forme circulaire, mais leur taille et leur caractéristique sont quelque peu différentes, et elles parcourent naturellement la courbe de leur propre orbite. Toutes les analyses, les synthèses ou les observations que l’on pourra faire de ces étoiles ne changeront pas leurs spécifiés propres. Dans mes travaux, j’essaie de faire apparaître les choses de manière appropriée et nécessaire, tout est à la fois très naturel et très altéré par la main de l’homme. C’est ce genre de point de départ qui nous fait prendre conscience de la logique interne et de l’interrelation des objets représentés.
Votre exposition Echo à la OFOTO Gallery ainsi que celle à l’AM Art Space Anthem ont- elles un lien ? Les deux semblent refléter votre attrait pour les caractéristiques structurales des chose.
L’Am Art Space est un endroit extrêmement particulier. C’est un lieu d’expérimentation unique où de nombreuses choses à priori idéales peuvent se réaliser. Anthem est une exposition de « Xiao Ming et Xiao Hong », un personnage artistique que Wang Yanling et moi avons inventé, et qui n’indique en aucun cas qui est l’un ou l’autre. Bien que nos deux approches sont très conceptuelles, les œuvres de « Xiao Ming et Xiao Hong » sont autre chose. En général, nous discutons d’idées qui nous intéressent, recherchons des problématiques, et préparons pendant longtemps les projets. L’approche serait partielle et incorrecte si nous usions des méthodes d’expression propres à chacun. Donc combiner les méthodes et inventer un nouvel artiste nous a semblé plus adapté.
Nous avons eu pas mal d’idées quant à la présentation finale de ce projet. Au début, nous voulions créer une œuvre assez extrême. L’idée était de passer par la copie excessive d’un modèle symbolisant les limites des relations entre les choses naturelles et l’espace. Mais au final, nous avons choisi de reproduire tous les angles et coins de la salle en papier, ainsi que de faire une performance vocale dans l’espace afin qu’il produise une résonance. C’est donc à travers une expérience corporelle et des oeuvres sans substance qu’un espace inconnu se dévoile, autre que celui soumis à la réalité. Ce projet transforme la salle elle-même en une vaste installation, ce n’est pas simplement une exposition de plusieurs œuvres dans l’espace comme la plupart du temps. Cette notion de spatialité est un challenge à la fois cognitif et expressif.
Les travaux de « Xiao Ming et Xiao Hong » sont tirés de nos propres expériences, donc inévitablement ils possèdent un peu de nos caractéristiques, il n’est donc pas étonnant de voir des liens avec l’exposition de la OFOTO Gallery. Pour nous, nos visions personnelles sont à la fois un poison et un antidote que nous avons injecté dans le corps de « Xiao Ming et Xiao Hong ». Nous avons alors remarqué qu’intoxiquer et désintoxiquer « Xiao Ming et Xiao Hong » entraînait une réaction naturelle, cette condition montrait donc précisément ce que devaient être les caractéristiques de « Xiao Ming et Xiao Hong ».
Quels photographes ou artistes en général aimez-vous le plus ?
C’est une question qui me rend assez perplexe car je n’ai jamais vraiment compris quelle était la différence entre quelqu’un prenant des photographies et un photographe. Tout ce que je peux dire, c’est que je ne suis aucun des deux. Petit je me considérais comme un artiste, mais c’est un mot qui ennuie les gens puisqu’il existe partout des gens se proclamant artiste.
En réalité je n’ai pas vraiment d’artistes ou de photographes chinois que j’aime en particulier, de même pour les artistes étrangers, ils sont tous un fragment du puzzle, difficile de penser à un en particulier. Dans mon idée, quand un artiste devient très apprécié, d’autres seront appréciés de la même manière. En Chine, nous avons une expression qui dit « tronquer un texte pour en tirer le sens que l’on veut », autrement dit approcher de manière biaisée les problèmes. Donc ce n’est pas en ayant vu quelques œuvres que vous pouvez juger l’ensemble. Je suis assez sensible sur ce point, je ne pourrai pas dire que telle personne est comme ci ou comme ça. Mais à un certain moment je pourrai dire que les œuvres d’un certain artiste me touchent profondément, la sensation de ce moment donné sera alors très sincère.
Quels sont vos projets à venir ?
J’aurai toujours l’occasion de faire des expositions par-ci par-là, mais c’est toujours à peu près la même chose et leur utilité n’est jamais très claire. J’ai envie de réutiliser les concepts de mes anciens travaux mais de manière plus rationnelle et perfectionnée. J’ai déjà pas mal d’œuvres et plein de projets de grande dimension que j’aimerais réaliser, pour ensuite pouvoir les exposer de manière claire car les gens se font souvent une fausse idée de mon travail. Bien que cela n’ait parfois pas vraiment d’importance, la formulation et la présentation font aussi parties de la magie de l’art. C’est pour cela que je souhaite aussi pouvoir écrire davantage sur ce que je fais, écrire un livre par exemple. Je ne négligerai pas les autres médiums bien entendu.
De plus, j’espère trouver un espace qui corresponde véritablement à mes travaux. Ce n’est pas vraiment d’actualité, cela serait juste dans l’idéal. Je pense que l’œuvre immédiatement après avoir été créée peut avoir un impact sur le spectateur, et construire ce genre de ressenti est très important. J’espère que je pourrai montrer des travaux qui seront encore plus parfaits et extrêmes.
Plus d'information
------------------------
Voir les posts sur Liu Yue :
Mountain Blossom